L’influence de l’attachement au lieu sur notre manière de vivre l’espace
L’immersion que nous vous proposons dans ce billet de blog se situe dans le quartier de l’Alma à Grenoble. C’est à travers les souvenirs et la nostalgie d’une de ses habitantes que nous vous embarquons dans cette balade urbaine.
INTRODUCTION
Cette balade a pu voir le jour grâce à la méthode du parcours commenté. Nous avons donc échangé avec l’habitante sur ses sentiments, ses sensations, ses expériences, ses affinités ainsi que les paysages qu’elle perçoit dans son quartier.

Numérotation représentative des figures présentes dans ce billet
Après l’étude de l’entretien, une thématique phare s’est démarquée : la relation entre le lieu, les souvenirs et l’habitant.
Nous avons décidé de nous appuyer sur la notion d’attachement au lieu. Elle est définie par Schultz-Kleine et Menzel-Baker comme :
un lien affectif positif entre un individu et un lieu spécifique, ce dernier constituant pour l’individu une extension du soi. Se forgeant au travers d’interactions répétées au cours du temps entre l’individu et le lieu, l’attachement donne au lieu une valeur particulière, distincte de sa valeur utilitaire. Sa disparition est alors susceptible d’entraîner tristesse et manque. L’attachement au lieu varie en intensité et a pour nature de durer1
Dans la recherche scientifique l’attachement au lieu est caractérisé par une dimension fonctionnelle et/ou émotionnelle2. Ces dimensions structurent notre billet de blog en deux parties et sont accompagnées par la parole d’une habitante.
ATTACHEMENT FONCTIONNEL CONGNITIF D’UN LIEU
L’attachement fonctionnel d’un lieu est lié à l’accomplissement des besoins primaires des individus.
Concernant l’interlocutrice, ce quartier lui est essentiel pour faire ses courses de proximité malgré qu’elle n’y habite plus. Ses habitudes et ses affinités envers les commerçants de l’Alma la rendent dépendante pour tout achat de première nécessité. En d’autres termes, elle privilégie l’économie de son quartier qui l’a vu grandir plutôt que celui qui l’accueille aujourd’hui.
Les habitudes déjà, les commerçants que j’aime beaucoup et puis les souvenirs et puis mes parents.
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L’habitante est tellement attachée à ce lieu qu’elle évoque une trahison envers le quartier de l’Alma concernant son déménagement à l’extérieur de celui-ci.
– Tu habites où maintenant?
– Le quartier d’à côté, le quartier de l’Île verte, j’ai trahi, j’ai trahi mon quartier.
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ATTACHEMENT EMOTIONNEL D’UN LIEU
L’attachement émotionnel d’un espace se traduit par la relation entre l’identité du lieu et les émotions positives que l’individu développe à son égard. L’attachement au lieu est un construit, il évolue grâce aux expériences que l’individu entretient avec le lieu. Petit à petit, les usagers se sentent donc rassuré, en sécurité et serein dans ces espaces.
Le sentiment d’appartenance de l’habitante s’est construit depuis son enfance et durant toute son adolescence. Elle a ses souvenirs, ses amis, ses lieux de vie sont présents à travers tout le quartier et pas seulement sur un lieu en particulier:
J’ai une anecdote presque dans chaque rue.
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Durant tout l’entretien, le mot “sérénité” est souvent ressorti. C’est étonnant de retrouver ce mot en centre ville car d’après de nombreuses études, dont celle de George Simmel, la ville est susceptible d’engendrer de la surcharge sensorielle. Le milieu urbain est associé à la foule, en conséquence notre cerveau est trop stimulé et ceci peut provoquer des angoisses.
Parallèlement, le discours de l’habitante était tout autre :
Moi j’y trouve quand même une sérénité, et puis comme j’y ai grandi, j’ai joué là quand j’étais enfant, j’ai donc, ouais une paix, une sérénité, je suis chez moi quoi, je suis bien.
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Ce sentiment peut aussi être expliqué par le fait que le quartier soit assez calme et pas très dynamique.
Vraiment le quartier de l’Alma en lui-même est pas très vivant du coup c’est quand même relativement calme.
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Malheureusement, les émotions que l’interlocutrice a envers son quartier ne sont pas que positives. Le thème du trafic de drogue est souvent revenu dans son discours. Le sentiment de nostalgie et de tristesse se sont révélés dans les propos de l’habitante concernant certains lieux du quartier. Avec le temps, les espaces ont changé de pratique, ce ne sont plus les mêmes populations qui vivent l’espace. Par exemple, durant l’enfance de l’habitante, la Place Edmond Arnaud était occupée par les enfants qui jouaient. Mais à la suite de guerre de territoire, tout a changé. Aujourd’hui ce sont principalement les dealers qui occupent l’espace.
Avant c’était une place qui était hyper vivante en réalité, il y avait en fait que des enfants sur cette place.(…) Maintenant c’est exclusivement dédié au trafic malheureusement du coup ils ont beau tenté de la rénover, de redonner une image, de redorer en fait.
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CONCLUSION
Pour conclure, dans ce billet nous avons vu qu’il y a avait deux dimensions dans le phénomène d’attachement au lieu : fonctionnel et émotionnel.
Ces attachements peuvent être bénéfiques pour le lieu. L’attachement entraîne régulièrement un besoin de préserver les espaces supports de nos souvenirs. Enfin, l’attachement à un même lieu crée des affinités entre les populations qui le pratiquent. Ces affinités renforcent donc l’esprit communautaire.

L’habitante interrogée nous a confié que le système de poulie que nous voyons sur la photo a été réalisé par son père et son ami qui habite en face pendant le confinement. Ce système sert encore aujourd’hui. Cet investissement dans l’espace public démontre un esprit de communauté fort entre les locaux.
- DEBENEDETTI Alain, « Le concept d’attachement au lieu : état de l’art et voies de recherche dans le contexte du lieu de loisirs », Management & Avenir, 2005/3 (n° 5), p. 151-160. DOI : 10.3917/mav.005.0151. [↩]
- VILAREM Emma, 2019 “Le rôle de l’attachement dans les comportements de protection au lieu”. Anthologie des villes conscientes 2019 : architecture et urbanisme fondés sur la science, 7 octobre 2019
URL : https://theccd.org/article/91/the-role-of-attachment-in-place-protective-behaviours/ [↩]